• Marie-Christine Rabillé-Frontero, première adjointe déléguée aux affaires scolaires, pilote le projet  des nouveaux rythmes scolaires.Marie-Christine Rabillé-Frontero, première adjointe déléguée aux affaires scolaires, pilote le projet des nouveaux rythmes scolaires. | 

    L'application des rythmes scolaires sera effective à la rentrée de septembre 2014. Une commission extrascolaire, constituée d'élus, des services municipaux, des écoles publiques, des parents d'élèves et de l'Éducation nationale, planche sur l'organisation des deux écoles publiques de la commune.

    « C'est d'abord l'intérêt de l'enfant qui a guidé nos propositions, explique Christian Couturier, le maire, à l'issue des deux réunions. Nous proposons des activités au moment, où suivre des cours, est le moins approprié. Nous avons également écouté et entendu les demandes des enseignants. »

    « Nous avons souhaité appliquer une organisation différente pour les écoles maternelles et les écoles élémentaires », souligne Marie-Christine Rabillé-Frontero, première adjointe déléguée aux affaires scolaires. Elle poursuit : « Par contre, nous souhaitons une organisation identique au Clos du Moulin et à la Tilleulière. »

    Les deux conseils d'écoles maternelles ont émis un avis favorable pour ses propositions. Concernant l'élémentaire, si la Tilleulière accepte la proposition, en revanche le Clos du Moulin a voté en faveur d'une autre.

    « Nous avons transmis ces propositions à l'Education nationale, indique l'adjointe. Nous attendons leur réponse. En début d'année, nous définirons le contenu des temps d'activités périscolaires. »


  • Bondy fait partie des cinq communes de Seine-Saint-Denis – avec Aubervilliers, L’Ile-Saint-Denis, le Pré-Saint-Gervais et Romainville – qui appliquent depuis la rentrée 2013 la réforme des rythmes scolaires. Dans cette ville socialiste située au nord-est de Paris, 6 500 élèves du primaire ont renoué avec la semaine de 4 jours et demi. Ils ont également fait la connaissance des temps d’activités périscolaires (TAP), cette nouveauté conçue par le ministère de l’éducation nationale, que certaines écoles peinent encore à domestiquer.

     

    Mercredi 13 novembre, alors que la capitale se prépare aux grèves et aux défilés d’enseignants du 14, une foule hétéroclite s’est rassemblée sur le parvis de l’Hôtel de Ville de Bondy. En famille, enfants à la main et poussettes bien en vue, une centaine de personnes ont répondu à l’appel de l’une des sections locales de la FCPE, la principale association de parents d’élèves.

     

    Mobilisés contre ce qu’ils estiment être une application précipitée de la réforme des rythmes scolaires, ils dénoncent – comme ailleurs – la qualité des TAP proposés, le recrutement au rabais de vacataires, la désorganisation générale et la fatigue des enfants qui en résulte. « Nous ne pouvons plus accepter que nos enfants servent de cobayes et subissent les dysfonctionnements récurrents liés à un manque d’organisation », mentionne le tract diffusé par les organisateurs.

     

    Au même moment, à quelques mètres de là, la section départementale du syndicat enseignant SNUipp-FSU tient une réunion d’information dans le hall de la mairie. La salle est pleine et le climat tendu. Tour à tour, et à quelques rares exceptions près, les enseignants racontent leurs mésaventures et font part de leur inquiétude. Ici aussi, les critiques se concentrent sur le recrutement des vacataires. « Certains n’ont même pas le BAFA [brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur], ils sont grossiers et viennent en casquette », déplore une enseignante.

     

    « DE LA GARDERIE »

     

    Du côté des enseignants comme de celui des parents, les activités périscolaires, qui ne constituent rien d’autre qu’une conséquence des changements de rythme et du raccourcissement de la durée journalière de cours, cristallisent l’essentiel des mécontentements. « Ce n’est pas du périscolaire, mais de l’animation, pour ne pas dire de la garderie », lance une enseignante. Les professeurs n’apprécient pas la désacralisation de l’école qui s’insinue par cette réforme. « L’école doit rester l’école, et les activités périscolaires doivent rester périscolaires », enchaîne une autre. Par manque de locaux spécifiques, les TAP ont généralement lieu dans les salles de classes, que les professeurs libèrent avec réticence.

     

    Au-delà des enseignants, ce sont les personnels en charge de l’organisation de ces activités qui affichent leur détresse. Thomas*, « responsable TAP » d’une école bondynoise qui a préféré garder l’anonymat, s’exaspère des cafouillages qu’il a observés depuis la rentrée. « Je n’en peux plus d’avoir tous les soirs des enfants à qui je demande de patienter pour commencer des activités, alors qu’on ne leur propose rien. »

     

    A 15 h 45, raconte Thomas, c’est la marée humaine dans la cour de l’école, et les nouveaux vacataires sont rarement opérationnels. « Je n’en peux plus des vacataires qui ont cinq minutes de retard, ou qui ne viennent pas et ne préviennent pas. Certains arrivent en survêtement, ne savent pas expliquer leur activité aux enfants et sont complètement incapables de tenir une classe. » Tous les jours, entre 10 % et 30 % des enfants inscrits lui restent sur les bras. « On les met devant une pseudo-vidéo parce qu’on n’est pas assez pour leur proposer autre chose. » A moins qu’il ne s’agisse d’un manque de matériel : les parents évoquent, eux, un atelier « roller »... sans roller.

     

    Au niveau de l’ensemble des écoles de la ville, ils seraient déjà quatre responsables de TAP à s’être déchargés de leur fonction. « On s’est pris une grosse claque par rapport à ce qui était prévu », se lamente Thomas.

     

    COMBATTRE LE DÉTERMINISME ÉDUCATIF DES BANLIEUES

     

    Face à ces difficultés, une question est sur toutes les lèvres : pourquoi la mairie n’a-t-elle pas attendu la rentrée 2014 pour mettre en œuvre la réforme, comme l’ont fait les communes voisines ?

     

    « Je ne suis pas casse-cou, se défend Sylvine Thomassin, maire (PS) de la ville depuis 2011. Mes services m’ont assuré qu’il était possible de mettre cette réforme en place. Nous avons organisé une grande concertation, les parents se sont prononcés. Pourquoi attendre un an de plus alors qu’il est prouvé que la semaine de 4 jours est délétère pour les enfants de Bondy ? »

     

    Pour cette ancienne sage-femme, la réforme des rythmes scolaires rejoint un combat plus vaste contre « le déterminisme éducatif et culturel dans les banlieues ». Cette réforme, elle en veut et elle y croit, afin de proposer à tous – et surtout aux enfants des quartiers défavorisés qui, sinon, n’y auraient pas accès – un « parcours culturel, ludique et sportif ».

     

    « Non seulement l’école ne permet pas de rattraper ces inégalités de départ, mais en plus elle les aggrave, assure-t-elle. Retirer une matinée de cours, c’est encore enfoncer un peu plus la tête sous l’eau à nos mômes des quartiers populaires. Alors qu’on sait que c’est le matin que les enfants ont le plus d’appétence scolaire. »

     

    « NOUS AVONS TRANSFORMÉ L’ESSAI »

     

    La détermination affichée par le maire n’est qu’à peine entamée par les récriminations de la communauté éducative ou les plaintes des parents, qu’elle reçoit en délégation dans son bureau. « Il y a des choses à améliorer sur certaines écoles, concède t-elle, mais pour l’essentiel, la réforme a pris, nous avons transformé l’essai. »

     

    D’après les données de la mairie, sur les 390 vacataires recrutés pour assurer les TAP, 70 sont des enseignants, 190 des animateurs de ville, 90 des étudiants, et 40 des animateurs remplaçants. Elle admet le faible niveau de formation de certains vacataires et s’engage à « les faire monter en compétence ». « Certains des animateurs n’ont juste pas validé la troisième partie de leur BAFA », précise t-elle.

     

    Mme Thomassin voit aussi dans la fronde parentale les signes d’une « lutte des classes ». « Les parents que j’entends sont ceux qui n’ont aucun problème pour inscrire leurs enfants au conservatoire ou au sport. Ce sont les parents de Louis et de Marie contre la maman qui élève toute seule le petit Kévin et va tous les jours à Paris faire des ménages. »

     

    UN FRONT DÉSUNI

     

    « C’est la massification de cette réforme qui pose problème, rétorque François Cochain, responsable départemental du syndicat enseignant FSU. Cela ne peut pas se passer de la même manière dans les petites communes et dans les grandes, il faut des moyens d’État et une meilleure répartition des richesses ». Or, Bondy compte 54 000 habitants et 26 écoles primaires, dont une partie est classée en zone d’éducation prioritaire. Quant à la consultation évoquée par la mairie, un millier de parents se sont effectivement prononcés sur l’organisation de l’emploi du temps. « Mais nous n’avions pas la possibilité d’opter pour un report en 2014 ! », s'insurge un parent d’élève membre de la FCPE.

     

    Reste que la contestation à laquelle la mairie fait face affiche pour l’instant un front désuni. D’un côté, ceux qui s’opposent aux 4 jours et demi et se perdent dans des débats sans fin sur la chronobiologie et l’intérêt de l’enfant se recrutent essentiellement chez les enseignants non syndiqués qui réclament une abrogation pure et simple du décret. De l’autre, les principaux syndicats enseignants et de parents d’élèves, dont les directions nationales soutiennent la réforme, gèrent comme ils le peuvent la fronde de certaines de leurs sections locales et se contentent de demander une réécriture ou un report du décret et surtout une augmentation des moyens.

     

    Mme Thomassin, elle, s’en tire par une pirouette. « Ce que nous avons vécu l’année dernière, mes collègues des autres communes sont en train de le vivre. Sauf que nous aurons à Bondy une année d’avance et que nous aurons commencé à améliorer le système. »



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  • Infographie "Le Monde"

    Frondeurs, les maires de France ? On a pu le penser ces derniers jours, au vu des tirs nourris d'élus de droite et du centre contre la réforme des rythmes scolaires. Qu'ils appellent au "boycott" de la "réforme Peillon", à son "abrogation", à sa "suspension" ou plus simplement à son "report", tous ont avancé, en guise de justification, le coût que fait peser sur les communes le retour à la semaine de 4,5 jours d'école.

    L'enquête que l'Association des maires de France (AMF), réunie en congrès jusqu'au 21 novembre, a diligenté auprès des 4 000 communes ayant changé de rythmes à la rentrée, prétend dépolitiser le débat. Elle révèle notamment que 83 % des maires sont satisfaits de la mise en place de la réforme. Les difficultés existent, mais elles ne sont pas insurmontables – et pas là où les attendait.

    Pour un peu plus d'une commune sur deux, la dépense serait inférieure ou égale à 150 euros par enfant et par an – soit le "coût médian" communément admis par les associations d'élus pour organiser trois heures d'activités périscolaires en plus, chaque semaine. Cette somme est comprise entre 101 et 150 euros pour "près de 40 %" des municipalités, peut-on lire dans le compte-rendu de l'enquête, et en deçà de 100 euros pour "moins de 15 %".

    "TROP TÔT POUR CHIFFRER LE COÛT"

    Cela n'exclut pas, pour d'autres, des dépenses plus importantes : un quart des communes se situent dans la "fourchette" 151-200 euros, 15 % ont dépensé entre 201 et 300 euros, 10 % plus de 300 euros… Il n'empêche : pour près de 55 % des répondants, les sommes investies au titre de la réforme sont couvertes, en totalité ou pour les deux tiers, par l'aide apportée par l'Etat (de 50 à 90 euros par enfant et par an) et par les Caisses d'allocations familiales (53 euros).

    De quoi nuancer fortement, sans les démentir pour autant, les estimations lâchées dans la presse par certains élus UMP réticents à appliquer la réforme à la rentrée 2014. Quelque 350 euros par enfant et par an selon Jean-Michel Fourgous, maire d'Elancourt (Yvelines) et animateur d'un "collectif" d'une cinquantaine d'édiles hostiles aux nouveaux rythmes. De 20 à 25 millions d'euros annuels rien qu'à Marseille, d'après son maire Jean-Claude Gaudin. 5 millions d'euros à Nice, selon Christian Estrosi…

    Ces chiffres ont été accueillis avec prudence par l'AMF. "Seulement deux tiers des 1 100 communes ayant répondu à notre questionnaire ont été en mesure de renseigner cette question", soulignent les analystes de l'association. "Il est encore trop tôt, selon elles, pour chiffrer le coût de la réforme avec précision. Beaucoup, aussi, se sont contentées d'avancer un ordre de grandeur…" Une large majorité (77 %) témoigne en revanche de difficultés à dégager le budget adéquat, seulement un petit quart affirmant avoir financé "sans difficulté" la réforme des rythmes.

    SATISFACTION MASSIVE

    Et pourtant, elles sont plus de huit sur dix à se dire satisfaites de sa mise en œuvre – 60 % "plutôt satisfaites", 23 % "tout à fait". Si le degré de satisfaction n'atteint pas le niveau record avancé par le ministère de l'éducation – 93,5 % ! –, il n'en demeure pas moins massif. "Les maires qui ont déjà sauté le pas sont, sans surprise, moins angoissés que ceux qui doivent encore le faire, alors que les élections municipales se profilent", analyse-t-on à l'AMF.

    Contrairement aux idées reçues, les difficultés de recrutement auxquelles se disent confrontés près de quatre élus sur dix s'accroissent avec la taille des communes. Elles concernent les trois quarts des villes de plus de 30 000 habitants, contre un tiers des communes rurales. Une "bonne surprise" que l'association tient à relativiser : "Si les maires ruraux n'ont pas autant de mal que prévu à recruter des animateurs cette année, c'est qu'ils sont minoritaires à avoir sauté le pas, mais l'an prochain, ils risquent de se les disputer…"

    Autre résultat peu attendu, la participation des enseignants – relative, mais avérée – aux ateliers périscolaires. On les a parfois caricaturés en un bloc monolithique hostile au changement de rythmes, ils prêtent en réalité main-forte dans 20 % des communes – et dans 55 % de celles de plus de 30 000 habitants. Pourtant, nombre d'édiles déclarent que la "résistance" des enseignants à la réforme accentue leurs difficultés.

    DIFFICULTÉS EN MATERNELLE

    Côté élèves, en dépit de l'inquiétude relayée par bien des parents, la participation aux ateliers est massive : une commune sur deux déclare un taux de fréquentation de plus de 85 %, près des trois quarts au-delà de 70 %. C'est dans les zones rurales, celles qui sont les moins bien pourvues en infrastructures et en personnels dédiés à l'animation, que la fréquentation apparaît la plus élevée.

    L'enquête confirme les difficultés et dysfonctionnements que l'on pouvait observer sur le terrain, sans pouvoir précisément les chiffrer. La maternelle, "point noir" de la réforme pour les enseignants, l'est également pour les élus. Ceux-ci font part de "difficultés à structurer les après-midi et à proposer des activités", même s'ils ne sont que 9 % à ne pas proposer d'ateliers aux 3-6 ans, 13 % à les réserver aux grandes sections. "Les plus petits ont moins d'autonomie et réclament plus de personnels d'encadrement", témoigne Bernard Weisbecker, maire (EELV) de Leffrinckoucke (Nord). Seule une commune sur cinq est parvenue à différencier les horaires en maternelle et élémentaire.

    Autre obstacle à surmonter, la question de la taille des locaux qui pose massivement problème, puisqu'une commune sur deux se dit concernée. Et ce même si, dans les deux tiers des cas, les enseignants auraient accepté d'ouvrir leurs salles de classe.

    Esquivant la principale revendication portée par l'AMF – un "financement pérenne" de la réforme –, le premier ministre Jean-Marc Ayrault a rappelé aux élus, mardi 19 novembre, que la seule façon valable d'aborder la réforme c'est "en ayant en tête l'intérêt de l'enfant". Les élus ont le sentiment que l'Etat leur a "refilé" la responsabilité de sa réforme. A eux d'assumer.





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