• Réformes scolaires : Vincent Peillon vient s'expliquer face à des enseignants parisiens

    Le Monde.fr | 04.02.2013 à 15h33 Par Maryline Baumard"Les oiseaux ont des ailes, les enfants ont des livres", dit un poster de la bibliothèque de l'école Alphonse Baudin. Lundi matin, l'ambiance elle, n'est pas à l'envol, elle serait même assez plombée dans cette école primaire du 11e arrondissement de la capitale lorsque Vincent Peillon, le ministre de l'éducation, y débarque. Il est 11 h 45 et le ministre a décidé de venir discuter avec des enseignants parisiens de cette école où 86 % d'entre eux ont fait grève le 22 janvier contre la réforme des rythmes scolaires. Celle-ci doit entrer en vigueur dès septembre à Paris.

    Alignés côte à côte, la petite dizaine de professeurs de l'école fait front. A leur droite, le ministre, Vincent Peillon, et le recteur, François Weil. Face à eux, des représentants de la mairie de Paris avec à leur tête Colombe Brossel, l'adjointe à l'éducation de la capitale. Ça commence très tendu. Après le mot du recteur de Paris, Vincent Peillon prend la parole sans y aller par quatre chemins. " J'avais besoin d'un échange direct avec vous. Je me déplace beaucoup en province, mais moins ici. Nous sommes dans un moment pas facile. Les uns comme les autres. J'ai besoin de vous entendre ", leur lance le ministre en rappelant que sa priorité c'est le primaire et que c'est une chance que l'école soit prioritaire aujourd'hui.

    Il répète au passage que sa réforme ne se résume pas à la refonte des rythmes scolaires, mais que cette dernière et la nouvelle formation des enseignants à compter de la rentrée, sont deux leviers importants de sa refondation de l'école.

    "VOUS VOYEZ BIEN QU'ON LANCE BEAUCOUP DE CHOSES"

    La première enseignante qui prend la parole explique au ministre que "sa priorité" n'est pas celle des enseignants de l'école qui ont perdu leur réseau d'aides spécialisées aux élèves en difficulté (Rased). "Pour nous, la première urgence reste la remise en place de cette aide aux enfants", lui explique-t-elle. Vincent Peillon a ôté ses lunettes. Un de ses tics d'attention ! Il est concentré et répond sur les 7 000 postes qui vont permettre au fil du quinquennat de donner un peu d'air dans les écoles, et, en permettant du "plus de maîtres que de classes", autoriser une prise en charge de la difficulté scolaire.

    Et d'ajouter, "vous voyez bien qu'on lance beaucoup de choses, que la loi d'orientation ouvre de nombreux chantiers à la fois... pourquoi la seule chose que nous ne ferions pas dès 2013 ce seraient les rythmes ? On sait que les journées de 6 heures sont trop longues pour les enfants. Si on ne met pas en place en 2013 des semaines mieux étalées avec des journées plus courtes, en 2014 on sera en année électorale et cela risque encore d'être repoussé... Parfois on ne recule pas pour mieux sauter mais pour ne pas sauter !"

    La balle est dans le camp des enseignants qui restent encore très méfiants. L'un d'eux avoue sa préférence pour le retour d'une demi journée de classe le samedi matin et son regret que les enseignants n'aient pas été consultés... Ce à quoi le ministre répond "chronobiologie" et réexplique que toutes les études des spécialistes des rythmes de l'enfant plaident pour cinq jours successifs de classe sans rupture. A la seconde partie de l'interpellation, Vincent Peillon rappelle la concertation estivale qui a réuni un millier de personnes entre juillet et septembre 2012. "Je vous ai adressé un courrier, ajoute-t-il. La seule lettre que j'ai écrite aux enseignants a été rédigée pour vous expliquer que j'avais besoin de votre avis, pour vous demander de participer et de me faire remonter vos remarques. J'ai publié un décret sur les rythmes qui va donner le cadre. Je vais dans les prochains jours publier la circulaire sur l'aménagement des rythmes qui va lancer la période de négociation sur le terrain."

    En fait, si les municipalités ont jusqu'à fin mars pour choisir de basculer à la rentrée 2013 ou 2014, les discussions sur les modalités d'aménagement peuvent, elles, durer jusqu'en juin... La communication, qui n'a pas toujours été très claire sur cette réforme, a empêché cette information d'arriver aux oreilles des acteurs de terrain. Se sentant interpellée, craignant l'entourloupe, une maîtresse lance un "mais j'ai lu sur Internet que le projet était décidé pour Paris et que l'allongement de la pause méridienne avait été choisi pour organiser les activités périscolaires" ; et son voisin de renchérir "on ne voit pas comment un enfant peut être calme et réceptif après une aussi longue pause"...

    LES PRÉVENTIONS DES TROIS CAMPS S'EFFRITENT DOUCEMENT

    Muette jusqu'alors, Colombe Brossel rappelle que "la Mairie a au départ fait deux propositions. Soit d'allonger la pause méridienne de 45 minutes pour y placer les activités, soit de les ajouter en fin de journée, après 15 h 30. Maintenant, nous attendons vos propositions et sommes prêts à débattre de ce qui est le mieux. Il ne faut pas oublier que Paris veut un projet éducatif ambitieux." Vincent Peillon, qui décidément connaît bien ses chronobiologistes, saisit l'occasion au vol pour rappeler que l'allongement de la pause méridienne est aussi jugé excellent pour les enfants.

    Peu à peu, l'atmosphère se détend. Les préventions des trois camps s'effritent doucement. On est plus en confiance dans cette salle de lecture où d'ordinaire les maîtresses et les maîtres font vivre les contes et les petits romans. Le cri du cœur d'un enseignant se fait entendre qui explique au ministre qu'il fait ce travail depuis quinze ans, qu'il souhaite réellement qu'on trouve la meilleure formule. Mais que voir le combat parisien rangé dans la case des "combats corporatistes" l'a blessé. La frontière entre le ministre et le fonctionnaire disparaît là.

    M. Peillon rappelle que le chef de l'Etat comme lui se battent chaque jour "pour réconcilier l'école et la Nation. J'entends et je comprends ce que vous me dites car j'ai été enseignant", ajoute M. Peillon ; "c'est important de vider cet abcès terrible et cela me permet de redire toute la confiance que j'ai en vous. Mais attention... Je crois que les animateurs ont aussi été blessés par certains propos. Nous devons réunir et non opposer. Cette réforme il faut la faire ensemble, pour l'école et pour les enfants." Ce front se devra donc d'inclure les animateurs. Des professionnels mieux formés, comme l'a précisé Colombe Brossel.

    Et comme le sujet était dans l'air, et que le climat apaisé de cet échange l'y autorisait, la dernière question des enseignants a porté sur cette "revalo" dans l'air depuis quelques jours. Pas de date pour l'annonce officielle, mais le ministre a précisé que, chaque année, il y avait des mesures catégorielles à négocier et qu'il allait "demander aux représentants des autres catégories d'enseignants que la plus grande partie des mesures prévues aillent aux professeurs des écoles en indemnités et en progression de carrière pour le passage en hors classe", c'est-à-dire les échelons les plus élevés de la profession qui ne concernent que très peu de professeurs des écoles à ce jour.

    Maryline Baumard


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