• Tout comprendre de la loi d’orientation sur l’école en 12 points

    Le Monde le 6 décembre 2012

    Quand on est un ministre de gauche de l’école, il faut trouver sa voie. D’un côté, il y a l’écueil Allègre, qui pourrait s’intituler « comment rater les réformes en commençant par fâcher tout le monde » ; et la méthode Jospin, « on donne tout, on fait confiance, et les syndicats lâcheront bien quelque chose en retour »… Dans les deux cas, l’école n’a pas bougé. Avec sa loi d’orientation Vincent Peillon choisit la troisième voie : on pose le cap, on ne fâche personne, on considère qu’une refondation et une somme de petites avancées qui transforment en profondeur l’école. Le pari s’accompagne d’une action sur le levier essentiel : la formation des enseignants. Lue comme ça, on comprend mieux que la loi ne soit pas une somme considérable de petites révolutions. Après, il faudra un ministre qui reste fort et qui conserve le soutien du chef de l’Etat pour avoir les coudées franches. Le point sur quelques grands sujets de la loi.

    1- Ecole du socle ? Non, laision CM2-6e. Le terme a été jugé trop dangereux par le cabinet du ministre. Pourtant, un tout petit pas est franchi.  « Il est institué un conseil école-collège qui propose au conseil d’administration du collège et aux conseils des écoles des actions de coopération et d’échange. Le conseil école-collège peut notamment proposer que certains enseignements ou projets pédagogiques soient communs à des élèves du collège et des écoles. »

    2-Le changement de pédagogie. Ca ne se décrète pas. C’est un objectif sous-jacent dans la loi. Plusieurs éléments plaident en ce sens. D’abord, la remise en selle du fonctionnement par cycles. Les cycles permettent en théorie de donner à chaque enfant le temps d’apprendre à son rythme puisque le niveau à atteindre n’est plus pensé sur l’année mais sur deux ou trois ans. L’idée est entrée dans l’école par la loi d’orientation de Lionel Jospin en 1989. Elle n’a jamais été appliquée. La loi 2012 la ressort. Un fonctionnement par cycles permet d’éviter des redoublements, d’isoler la maternelle pour en faire le lieu d’une pédagogie particulière, mais aussi de créer des ponts entre l’école et le collège en créant un cycle commun aux deux. La formule a donc plus d’un avantage. Restera à la rendre effective dans les classes. Le changement de pédagogie passe aussi par l’utilisation des 7 000 maîtres surnuméraires prévus au fil de la mandature. Le "plus de maître que de classe" doit permettre de repenser l’enseignement dans une école et de traiter mieux la difficulté scolaire à sa racine.

    3-La formation des enseignants. On y apprend les moyens qui lui seront dévolus. 27 000 postes. Pour le contour des futurs écoles du professorat et de l’éducation, rien n’est tranché, mais les éléments suivants de leur mission sont rappelés. Les ESPE  définissent et mettent en œuvre les actions de formation continue des personnels enseignants du premier et du second degrés et des personnels d’éducation, participent à la formation initiale et continue des personnels enseignants-chercheurs et enseignants de l’enseignement supérieur. Elles organisent des formations de préparation aux concours de recrutement dans les métiers du professorat et de l’éducation. Elles peuvent conduire des actions de formation aux autres métiers de la formation et de l'éducation. Elles participent à la recherche. Elles assurent le développement et la promotion de méthodes pédagogiques innovantes. Elles forment les enseignants à l’usage du numérique. Elles participent à des actions de coopération internationale.

    4-Le socle commun de connaissance de compétences et de culture. Il change de nom puisque la culture s’y ajoute. Ce n’est pas une révolution. « La refondation de l’école passe par une réflexion sur le socle commun de connaissances, de compétences et de culture et sur le contenu des enseignements. Il s’agit de préciser ce que l’école doit apprendre à ses élèves, et la façon dont elle peut permettre à tous cette acquisition. La définition précise des éléments du socle, et leur articulation avec les programmes d’enseignement et l’évaluation des élèves, doivent être repensés. La définition des programmes sera confiée à un conseil supérieur des programmes. Le projet met cependant d’ores et déjà un accent fort sur la formation de l’enfant comme personne et comme citoyen – avec le développement de l’enseignement moral, ainsi que de l’éducation artistique et culturelle. Il s’agit ensuite d’organiser une réelle progressivité des apprentissages, en réfléchissant à l’ensemble du parcours des élèves, de la maternelle au collège. » La loi pose « les bases d’une réflexion sur le contenu du socle en reformulant sa définition (la notion de culture vient s’y ajouter à celles de connaissances et de compétences) et en renvoyant à un décret la fixation de ses éléments constitutifs. L’article supprime l’obligation légale que son acquisition par l’élève fasse l’objet d’une évaluation prise en compte dans la suite de sa scolarité. La difficulté d’évaluer les élèves avec des dispositifs lourds et peu coordonnés entre eux a en effet trop souvent favorisé le rejet par les enseignants des outils d’évaluation du socle et parfois du socle lui-même. Il est en revanche précisé que les élèves éprouvant des difficultés dans cette acquisition progressive doivent recevoir des aides et bénéficier de dispositifs de réussite éducative. » Bref, tout reste à faire.

    5-Collège unique réaffirmé.  L’article 29 prévoit « la mise en place, au collège, d’approches pédagogiques différenciées, ainsi que la possibilité d’y proposer des enseignements complémentaires au tronc commun. Ce n’est qu’en classe de 3e (et non plus dès la 4e) que ces enseignements complémentaires peuvent préparer à une formation professionnelle : il s’agit d’éviter tout dispositif qui enfermerait trop tôt les élèves dans une filière. L’article 30 supprime la possibilité d’aménagements particuliers permettant, durant les deux dernières années de collège, dans le cadre de dispositifs d’alternance personnalisés, une découverte approfondie des métiers et formations ainsi qu’une première formation professionnelle. Il s’agit de réaffirmer le principe du collège unique en conciliant existence d’un tronc commun et nécessité d’une différenciation des approches pédagogiques. »

    6-Le grand flou sur le brevet. L’article 32 propose de supprimer ce qui dans la loi précédente détaille les acquis validés par le brevet, et « prévoit de fixer par décret ses conditions d’attribution. L’évolution du socle commun nécessite en effet de repenser le rôle de ce diplôme, qui intervient au terme de la scolarité obligatoire et de l’acquisition théorique du socle. » On est bien avancé !

    7- Une maternelle très maternelle. C’est un cycle à part entière. A part cela, «la formation dispensée dans les classes et les écoles maternelles favorise l’éveil de la personnalité des enfants, conforte et stimule leur développement affectif, sensoriel, moteur, cognitif et social. Elle les initie et les exerce à l’usage des différents moyens d’expression. Elle prépare progressivement les enfants aux apprentissages fondamentaux dispensés à l’école élémentaire, en fonction d’un programme défini par arrêté du ministre chargé de l’éducation nationale, et selon des approches éducatives qui visent à développer la confiance en soi et l’envie d’apprendre. Elle assure une première acquisition des principes de la vie en société et de l’égalité entre les filles et les garçons. Elle tend à compenser les inégalités et à prévenir des difficultés scolaires, notamment par la stimulation et la structuration du langage oral et l’initiation à la culture écrite. » Comme aujourd’hui ?

    8-La division par deux du nombre de sorties sans diplômes. Cela passe évidemment par la très large priorité donné au primaire. Ce niveau d’enseignement va récupérer les deux tiers des créations de postes d’ici 2017. L’article 7 de la nouvelle loi prévoit la possibilité de poursuite d’études jusqu’à ce qu’un « niveau de formation reconnu » soit atteint. L’exposé des motifs précise que « ce niveau correspond à l’obtention d’un diplôme national ou d’un titre professionnel de niveau V. Il est également prévu de ménager une possibilité de reprise d’études, sous la forme d’une durée complémentaire de formation qualifiante, qui pourra être utilisée par tout jeune sortant du système éducatif sans diplôme, dans des conditions fixées par décret. L’objectif est d’affirmer le principe que l’école doit assurer à tous l’obtention d’un diplôme permettant une insertion professionnelle. »

    9-Le Conseil national d’évaluation du système éducatif . L’article 17 de la loi propose la création d’un Conseil national d’évaluation du système éducatif. L’évaluation doit être scientifique et apporter une aide à la décision politique et aux réformes.

    10-La création d’une école du futur. Un plan numérique global doit être annoncé jeudi 13 décembre par Vincent Peillon. En attendant, la loi promet la mise en place d’ « un service public de l’enseignement numérique et de l’enseignement à distance. Le service public de l’enseignement numérique permettra de prolonger l'offre des enseignements qui sont dispensés dans l’établissement et de faciliter la mise en oeuvre d'une aide personnalisée aux élèves. Il mettra aussi à disposition des enseignants des ressources pédagogiques, des outils de suivi de leurs élèves et de communication avec leur famille, ainsi que des contenus et services destinés à leur formation initiale et continue. Il permettra, enfin, d’assurer l’instruction des enfants qui ne peuvent être scolarisés en établissement. »

    11-Un Conseil supérieur des programmes (CSP) est créé. Un conseil de ce type avait été supprimé par la loi d’orientation de 2005. Ses attributions sont actuellement exercées par le Haut conseil de l’éducation, mais celui-ci n’est dans les faits que rarement saisi sur ces questions - les dispositions qui le concernent sont supprimées (cf. article 17). Le conseil formulera « des propositions, tant sur le contenu du socle, des programmes, et leur articulation avec les cycles que sur le contenu de la formation des enseignants. Cela permettra d’accroître la cohérence et les synergies entre ces deux aspects essentiels des politiques éducatives. Il est prévu que le conseil remette aux ministres chargés de l’éducation et de l’enseignement supérieur un rapport annuel, transmis au Parlement et Conseil économique, social et environnemental. »

    12-Une orientation reconstruite. L’article 23 met en place un parcours individuel d’information, d’orientation, et de découverte du monde économique et professionnel tout au long de la scolarité secondaire de l’élève. « L’objectif est de lui donner, dès le collège, les éléments qui lui permettront de faire un choix éclairé pour la poursuite de ses études au terme de sa scolarité obligatoire. Cette orientation, ainsi que les formations qui lui sont proposées, tiennent compte de ses aspirations, de ses aptitudes et des perspectives professionnelles liées aux besoins prévisibles de la société, de l’économie et de l’aménagement du territoire ; elles favorisent la représentation équilibrée entre les femmes et les hommes parmi les filières de formation. Le parcours de l’élève est organisé sous la responsabilité du chef d’établissement, avec le concours des équipes éducatives et des spécialistes de l’orientation, mais également dans une perspective d’ouverture de l’école à tous ceux qui peuvent contribuer à cette information. » La discussion est encore en cours avec les régions pour savoir comment la coordination se fait.


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