• Le Monde.fr | 22.03.2013 à 07h32

    Directeur d'études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), rédacteur en chef de la revue Le Débat, Marcel Gauchet est un des meilleurs analystes de la société française. En tant qu'historien et observateur, il s'intéresse à la transmission, et analyse la réforme de l'école lancée par Vincent Peillon.

    La loi d'orientation et de programmation sur l'école a été adoptée, mardi 19 mars, à l'Assemblée nationale. Votre regard ?

    Marcel Gauchet Les priorités retenues me semblent les bonnes : l'école primaire, le temps scolaire, la formation des enseignants. On se focalisait depuis des années sur les difficultés du collège alors que le problème majeur de notre système éducatif se situe en amont. Le plus grave, c'est son incapacité à assurer à tous l'acquisition des savoirs élémentaires. Il est devenu extraordinairement difficile dans le monde où nous vivons de donner à chacun les compétences fondamentales du lire-écrire-compter ; alors que c'est vital pour les enfants du XXIe siècle pris individuellement, mais aussi pour la cohésion de notre société et la compétitivité du pays.

    Pour la même raison, la réforme des rythmes scolaires me paraît essentielle. Il est indispensable d'optimiser le temps de classe. Je trouve incroyable qu'il soit aussi difficile de remettre une demi-journée d'école alors que personne n'en avait demandé la suppression en 2008 ! Une de ces "idées" sorties d'un chapeau dont Nicolas Sarkozy avait le secret !

    Dans le même style, on peut aussi saluer la suppression de la formation des maîtres, non ?

    Effectivement, on a eu droit à pire que les quatre jours. La droite portera éternellement la honte d'avoir osé faire croire que le métier d'enseignant ne relève pas d'une formation. Ce serait le seul métier dans ce cas... Alors que c'est l'un des plus difficiles qui soient aujourd'hui et qu'on sait pertinemment que les savoirs transmis aux enfants conditionnent leur vie entière. Pas seulement leur destin social, leurs possibilités humaines. J'espère que les nouvelles écoles supérieures du professorat et de l'éducation seront à la hauteur du rôle fondamental qu'on est en droit d'en attendre. Les exemples le montrent : l'efficacité d'un système éducatif est fonction de la qualité de la formation de ses enseignants.

    Le terme de "refondation" utilisé par Vincent Peillon vous choque-t-il ?

    Le terme est en effet ambitieux. D'un côté, je ne voudrais pas dénigrer le courage politique qu'il y a à faire de l'éducation, sujet peu payant électoralement, une priorité du quinquennat. De l'autre, je pense qu'une vraie refondation demanderait d'aller plus loin dans l'identification des difficultés que rencontre l'école aujourd'hui. Par exemple sur le terrain de ce que veut dire apprendre.

    Avez-vous des éléments de réponse ?

    Ce dont je suis sûr, c'est que nous vivons sur des images et des idées fausses. Nous avons vécu un tournant important dans les années 1970. La pédagogie transmissive fondée sur l'inculcation d'un savoir détenu par le maître à un élève passif a laissé place à une pédagogie active qui fait de l'enfant l'acteur de la construction de ses savoirs. Il y a dans ce renversement un acquis irréversible, mais nous sommes allés un peu vite en besogne. Nous avons fait comme s'il nous livrait les clés des processus d'apprentissage. Or ce n'est pas le cas. La vérité est que nous n'en savons pas grand-chose ! Nos lumières sur le sujet sont embryonnaires. La boîte noire est loin d'avoir livré ses secrets.

    Relu à l'aune de ce degré zéro de la connaissance, le virage des années 1970 ressemble à un grand saut dans le vide. Nous pensions avoir un parachute... et nous nous rendons compte au milieu de la descente que nous n'en avons pas...


  • Le Monde.fr avec AFP | 19.03.2013 à 18h00

    Une école parisienne en septembre 2012.

    L'Assemblée nationale a voté mardi 19 mars en première lecture le projet de loi pour la refondation de l'école, qui comprend notamment la programmation de 60 000 postes en cinq ans promise par François Hollande.

    Voté par 320 voix contre 227, ce projet de loi d'orientation et de programmation a recueilli les suffrages favorables des socialistes, des écologistes et des radicaux de gauche, les députés du Front de gauche ayant opté pour l'abstention. Les élus de l'UMP et de l'UDI ont voté contre.

    "UN PREMIER PAS DANS LA BONNE DIRECTION"

    A l'issue du scrutin, le ministre de l'éducation nationale, Vincent Peillon, a vanté un texte constituant "un premier pas dans la bonne direction après combien dans la mauvaise direction et combien d'immobilisme", affirmant que l'"école de la République se remet en mouvement".

    Le projet de loi, qui ne touche ni au statut des enseignants ni à celui des établissements scolaires, au grand dam de l'UMP, met en musique plusieurs promesses de campagne du président de la République.

    Au-delà de la programmation de 60 000 postes en cinq ans dans l'éducation nationale, le projet de loi prévoit la recréation d'une formation des enseignants dès la rentrée 2013 avec les Ecoles supérieures du professorat et de l'éducation, et donne la priorité au primaire, notamment par un renforcement de la scolarisation des moins de trois ans et le dispositif "Plus de maîtres que de classes".


  • Ouest-France le samedi 16 mars 2013

     La France a le taux de redoublement le plus élevé au monde.

    Les députés ont ainsi décidé d'aller plus loin que le texte initial du rapport annexé au projet, qui recommandait de «poursuivre la réduction progressive» du nombre de redoublements, pratique coûteuse plus développée en France que dans les autres pays et à l'efficacité pédagogique discutée.

    Le taux de redoublement le plus élévé au monde

    «Dans le cadre de l'acquisition des connaissances, compétences et méthodes attendues en fin de cycle et non plus en fin d'année scolaire, le redoublement d'une année scolaire doit être exceptionnel», précise l'amendement voté.

    Les cycles regroupent plusieurs niveaux de classe, et le projet de loi prévoit de revoir leur nombre et leur durée pour permettre une plus grande progressivité des apprentissages et une meilleure liaison entre l'école et le collège.

    La France a le taux de redoublement le plus élevé au monde mais cette pratique «très coûteuse», de plus de deux milliards d'euros par an, a des effets «loin d'être probants» et engendre «même pour certains élèves plus de difficultés», rappellent ses signataires.


  • Ouest France le lundi 11 mars 2013

     

    Depuis cet après-midi, et pour toute cette semaine, Vincent Peillon défend son projet de loi sur la refondation de l’école, devant les députés. Mesures phares : la recréation d’une formation pour les enseignants, la création de 60 000 postes de profs et des moyens supplémentaires pour l’école primaire.

    Pourquoi ce projet de loi ?

    François Hollande, candidat à la présidence de la République, avait pris plusieurs engagements : « Remettre l’éducation et la jeunesse au cœur de l’action publique ; créer en cinq ans 60 000 postes supplémentaires dans l’éducation ; accueillir les enfants de moins de trois ans en maternelle… »

    Comment a-t-il été élaboré ?

    En juillet dernier, Vincent Peillon, ministre de l’Éducation nationale, lançait une vaste concertation sur cette question. Profs, spécialistes de l’éducation, parents d’élèves, associations… discutaient et faisaient leurs propositions.

    En janvier, le ministre présentait sa loi devant le conseil des ministres. Aujourd’hui, elle est arrivée devant les députés. Vote final prévu mardi 19 mars. Elle ira au Sénat, en avril.

    Que prévoit-il ?

    Il ne bouscule pas l’architecture de l’école : l’école maternelle n’est pas rendue obligatoire ; l’école primaire continue de compter cinq

    classes
    (du CP au CM2) ; le collège demeure unique pour tous, comme il l’est depuis 1975 ; le lycée reste partagé en trois filières : lycée général, technologique et professionnel.

    Le projet avance trois grands changements :

    1) – Il recrée une formation professionnelle initiale et continue pour les enseignants. Les IUFM (Instituts de formation des maîtres) disparaissent. Ils sont remplacés par les Espé (Ecoles supérieures du professorat et de l’enseignement). Différence de taille entre les deux : la formation à la pédagogie est renforcée, chaque étudiant suit une année de stage encadré.

    2) – Il crée officiellement 60 000 postes de professeurs, de conseillers principaux d’éducation (CPE) et professeurs documentalistes. Le gouvernement socialiste efface ainsi les trois quarts des suppressions de postes effectuées sous le mandat de Nicolas Sarkozy.

    3) – Il met en priorité ses moyens sur l’école primaire pour lutter contre l’échec scolaire dès les premières années d’enseignement. La réforme la plus connue (qui se décide par décret et non pas directement par la loi) est le retour à la semaine de quatre jours et demi de classe pour diminuer le temps d’enseignement quotidien et mieux respecter les rythmes des enfants.

    Mais il en est une autre au moins aussi importante : la création de postes d’enseignants de plus que le nombre de classes. Exemples : six profs pour cinq classes. L’objectif est de pouvoir agir très vite face aux difficultés d’un élève.

    Enfin, les profs de CM2 et de 6e devront travailler davantage ensemble pour favoriser le passage de l’école au collège. En fin de collège, le ministre veut diminuer par deux le nombre de jeunes sans formation ou sans autre diplôme que le brevet des collèges. Le projet de loi ouvre un droit à formation, même après la fin de la scolarité obligatoire à 16 ans.

    Quelles sont les autres réformes ?

    Elles sont importantes, certes, mais davantage liées à l’adaptation du système éducatif à l’époque actuelle.

    La loi affiche sa volonté de créer un véritable enseignement au numérique, à la morale républicaine, à une langue étrangère dès le CP…

    Il crée un Conseil national d’évaluation du système éducatif et un Conseil supérieur des programmes.

    Le projet risque-t-il d’être discuté ?

    Les députés ont déposé 1 600 amendements. Les élus UMP, Benoist Apparu en tête, considè

    rent
    que ce projet est « d’une grande pauvreté ». Selon lui, « il aurait fallu donner des objectifs : rappeler que, d’ici dix ans, 100 % des jeunes doivent maîtriser le socle commun de connaissances, que 100 % des jeunes doivent sortir du système diplômés, avec au moins un baccalauréat professionnel, 65 % avec au moins un diplôme bac + 2 et 50 % avec au moins une licence. Malheureusement, cette loi d’orientation ne réduira ni les inégalités scolaires ni le nombre d’élèves en grande difficulté ».

    De l’autre côté de l’Assemblée nationale, la députée communiste Marie-George Buffet considère que ce projet « pose des premières pierres » mais « n’est pas à la hauteur ».


  • Le Monde.fr avec AFP | 05.03.2013 à 20h43

    Selon l'Académie de médecine, "la semaine de quatre jours est un contresens biologique qu'il faut abolir" et recommande le samedi matin plutôt que le mercredi.

    L'Académie de médecine défend mardi 5 mars la semaine de quatre jours et demi, inscrite dans la réforme des rythmes scolaires, en rappelant que la santé de l'enfant doit primer sur les intérêts des adultes.

    La réforme des rythmes scolaires se heurte actuellement à des revendications diverses, mais qui placent les intérêts des adultes avant le souci de la santé de l'enfant, déplore cette instance conseillère des pouvoirs publics qui rappelle avoir déjà dénoncé cette attitude dès 2010, dans son rapport intitulé "Aménagement du temps scolaire et santé de l'enfant".

    Dans un communiqué, elle appelle tous les acteurs concernés – enseignants, parents, pouvoirs publics – à "dépasser la polémique autour de la seule semaine de quatre jours" et à considérer le "temps de vie de l'enfant" (journée, semaine, année scolaire, grandes vacances).

    Supposée être "un élément majeur de l'épanouissement de l'enfant", la vie scolaire est "aujourd'hui un facteur déterminant de la fatigue exprimée par l'enfant, source de difficultés de concentration et d'apprentissage, d'irritabilité et d'agressivité, voire d'échec scolaire pouvant amener l'enfant à une dangereuse autodépréciation", écrit-elle.

    INCLURE LES DEVOIRS ET LEÇONS DANS LE TEMPS SCOLAIRE

    Pour l'académie, "la semaine de quatre jours est un contresens biologique qu'il faut abolir en aménageant impérativement le temps scolaire sur quatre jours et demi". Elle milite à ce propos en faveur du samedi matin plutôt que le mercredi afin d'éviter la "désynchronisation inévitable de l'enfant en début de semaine".

    Partisane du raccourcissement des grandes vacances, elle juge également utile de limiter "le temps de travail quotidien à l'école à quatre heures et demi - cinq heures, en fonction de l'âge de l'enfant" en notant que "les devoirs et les leçons actuellement faits à la maison doivent être inclus dans le temps scolaire".

    Soulignant enfin l'insuffisance du temps de sommeil des jeunes, qui "hypothèque leurs facultés physiques et intellectuelles", l'Académie appelle les parents à "être plus attentifs à la durée et à la qualité du sommeil, indispensables à la réussite de leurs enfants".